Surélévation et respect des droits des copropriétaires, constats et enjeux

BOCHET Delphine

BOETS Maurine

DUBUC Gwendoline

LANDRON Nina

LECOT Camille

LEDAD Farid

Étudiants en Master II Management et Développement de Patrimoine Immobilier IAE – School of management – Metz en partenariat avec l’ESI

Surélévation et respect des droits des copropriétaires, constats et enjeux

« Dans une ville dont les limites restaient fixées par l’éloignement des distances, au rythme de la marche à pied, le procédé primordial de densification restait la surélévation, dès que l’occupation des sols avait atteint ses limites. » (François Loyer – Historien de l’art et de l’architecture)

Introduction

La surélévation est une solution permettant de développer des projets immobiliers anciens, l’objectif étant de créer des logements dans les centres villes en évitant l’étalement urbain. Par ailleurs, cette solution permettrait de faire face au besoin de végétalisation. Il s’agit de la densification « verticale », rationnelle et mesurée du bâti existant ; par l’ajout à un bâtiment d’un ou plusieurs étages.

La surélévation va apporter des avantages tels que la création de mètres carrés, la réduction de l’étalement, le développement de la végétalisation et la protection de la biodiversité. Cependant, les individus cherchent à construire toujours plus loin : les ménages veulent de plus en plus disposer d’un lieu de vie isolé du reste des espaces urbains denses. Cela crée donc ce phénomène d’étalement urbain :  des constructions qui s’étendent géographiquement.

Il faut garder en tête que la densification n’est pas synonyme de proximité, de compacité à tout prix. Densifier n’est pas sur-occuper, bétonner ou construire des immeubles de grande hauteur, mais plutôt optimiser l’espace qui est à notre portée. La surélévation n’est pas un marché de niche. Il existe tout un espace urbain non exploité et pourtant à notre disposition pour servir divers objectifs essentiels à la vie urbaine tels que la création de nouveaux logements, la rénovation énergétique des bâtiments ou l’aménagement de toitures végétalisées. Avec ce mode de densification, on respecte la transition écologique en préservant les formes urbaines.

La surélévation, de quoi parle-t-on ?

Contextualisation historique de la surélévation

Selon Didier Mignery (2020), au regard de l’histoire des villes, la norme a longtemps été celle de la surélévation. Au moyen-âge, les remparts et les murs qui les protégeaient empêchaient significativement l’étalement urbain.  Les villes se construisaient alors sur elles-mêmes avant d’aller chercher des terrains vierges plus loin. Au XVIIème siècle, il existait déjà des réglementations sur la hauteur des bâtiments. Par exemple, la Place Dauphine à Paris, créée à cette époque, est composée d’immeubles ayant été surélevés plus d’une fois.

Les facteurs poussant à la surélévation sont multiples, avec notamment : la croissance de la population, le progrès technique, les évolutions urbanistiques et réglementaires. Au XXème siècle, les bâtiments atteignent une hauteur maximum de 30 mètres environ. Question chiffres, sur l’ensemble des permis de construire déposés entre 1876 et 1939 à Paris, 18% concernent des surélévations, avec un pic de 23% entre les 2 guerres. En revanche, en 1967, un dépassement des plafonds de hauteur ont conduit à plus de démolitions que de surélévations.

Les avantages de la surélévation

La surélévation va permettre de développer des projets immobiliers dits anciens, et cette pratique apporte quelques avantages dans l’intérêt notamment des copropriétaires. Tout d’abord, construire un ou des étages supplémentaires à un immeuble, permet de créer un gain de volume et d’espace puisqu’on vient ajouter des mètres carrés habitables audit bien immobilier.

L’objectif qui est d’éviter la densification des villes est atteint grâce à la surélévation puisqu’on va créer des logements sans prendre possession des surfaces libres. On peut tout à fait profiter de ces travaux pour créer des espaces verts ou des équipements publics. De plus, cela va permettre de mettre en place des rénovations visant à réduire la consommation d’énergie des immeubles et contribuer ainsi au financement des rénovations thermiques, ainsi qu’au Plan Climat. A long terme, on observe une baisse des charges, par l’augmentation du nombre de locaux loués dans un seul immeuble. En effet, les charges vont être réparties sur davantage de logements (en tantièmes).

En outre, au regard de ces travaux, on constate une valorisation des biens à la revente permettant par la suite le financement de certains travaux issus de la vente des nouveaux logements créés. Il semble évident qu’il faut en profiter pour réfléchir à de nouvelles manières de construire en utilisant des matériaux plus écologiques et moins énergivores. La surélévation permet notamment d’exploiter un espace urbain non utilisé pour servir divers objectifs essentiels à la vie urbaine. En effet, cette surélévation peut apporter d’avantages de luminosité au sein du bâtiment, mais également apporter une touche de végétalisation en créant des espaces verts accessibles aux copropriétaires sur les toits de l’immeuble. Il est également possible d’en profiter pour y ajouter des panneaux solaires ou encore une isolation thermique. Cela permettra ainsi aux copropriétaires de bénéficier d’une réduction des besoins de chauffage tout en améliorant leur confort et surtout en apportant une revalorisation de l’image du bâtiment en l’inscrivant dans son environnement.

Les copropriétaires déjà présents avant les travaux verront leurs charges d’exploitation et d’entretien réduite. La surélévation pour les maisons est également envisageable et permet de la même façon que pour les copropriétés, d’augmenter la surface habitable sans empiéter sur l’environnement du logement et en augmentant la plus-value du bien.

Cependant, dans les grandes métropoles, on surélève plutôt des immeubles existants quand on souhaite augmenter le nombre de logements. Cela va notamment apporter des avantages fiscaux aux copropriétaires. Attention toutefois, puisque la surélévation rencontre des limites malgré tous les avantages qu’elle peut apporter.

Les limites à la surélévation

Selon Betaille (2014), l’un des principaux freins à la surélévation du bâti existant réside dans le mode de détention des immeubles. En effet, la plupart des projets sont portés par des mono-propriétaires, mais cela concerne aussi 28% des logements en copropriété. L’approbation en copropriété des travaux de surélévations reste complexe bien qu’assouplie par la loi ALUR. La surélévation d’un immeuble en copropriété ne pouvait être votée qu’à l’unanimité en assemblée générale des copropriétaires. Depuis la loi ALUR, il faut la majorité d’au moins 2/3 de tous les copropriétaires.

Un autre frein réside dans la difficulté de ce type d’opérations. Premièrement, au niveau de l’urbanisme, les réserves de mètres carrés à développer ne sont pas infinies à Paris et sa petite Couronne, par exemple. Aussi, les règles d’urbanismes et les diagnostics techniques contraignent la faisabilité d’un projet de surélévation.

Une autre nuance réglementaire, cette fois-ci, liée au Plan Climat de Paris, car les projets de surélévation doivent répondre aux mêmes normes que pour une construction neuve. Ce qui rajoute un coût financier supplémentaire au projet de surélévation, afin de s’adapter aux normes environnementales actuelles.

D’un point de vue technique, il peut être question d’incapacité structurelle liée à des questions de rapidité de montage et de nuisance moindre. On va effectivement rencontrer principalement des problèmes de légèreté, les surélévations sont réalisées en métal ou très souvent en bois. Cependant, certains immeubles repérés pour leur potentiel, après études de faisabilité, se révèlent incapables structurellement de supporter des étages de plus.

La création d’un ou plusieurs niveaux supplémentaires n’est pas neutre sur la structure de l’immeuble ainsi que sur celle des immeubles mitoyens. Cela peut faire apparaître des fissures, créer des affaissements, créer des nuisances, etc. Les cas de litiges sont nombreux.

À ces contraintes s’ajoute le facteur social puisque beaucoup de chantiers se déroulent en milieu occupé. Contrairement à des copropriétaires qui comptent sur la création de valeur de leur bien, les locataires HLM n’ont a priori rien à gagner, hormis des nuisances. Un chantier de surélévation dure en moyenne entre 10 et 12 mois, en sachant que le gros œuvre, partie générant le plus de nuisances, dure environ 2 mois.

Enfin, cela reste compliqué pour la population d’accepter le principe de surélévation. Dans les esprits, “densifier” signifie sur-occuper, bétonner ou construire des immeubles de grande hauteur alors que cela surtout d’optimiser l’espace qui est à notre portée.

Dans quels domaines la surélévation a-t-elle son rôle à jouer ?

L’environnement juridique

La surélévation des immeubles existants poursuit deux objectifs. Dans un premier temps, la défense de l’environnement avec l’économie de l’espace essentiel à la densification de la ville, contre son étalement tout en garantissant l’offre de logement. Alors que, dans un second temps, c’est la protection de l’esthétique par le droit de l’urbanisme.

Les avantages de la surélévation apportés par la loi ALUR aux copropriétés

Les raisons de la surélévation :

Le manque de logements, sur le territoire national en général et plus particulièrement à Paris, est un véritable problème. Les parlementaires ont tempéré les règles rigides de la surélévation d’immeuble permettant d’ajouter un voire plusieurs étages. Il est vrai que pour immeubles neufs qui bénéficient totalement de leur droit à construction, les plus anciens, il subsiste un droit à construire résiduel permis par cette nouvelle disposition.

L’opération de surélévation de l’immeuble repose sur l’augmentation de parties privatives et communes en rectifiant la toiture et en établissant de nouvelles constructions dans le prolongement de la façade de l’immeuble. C’est une façon positive de faire évoluer l’immeuble en créant des lots nouveaux et de nouveaux appartements valorisant ainsi tout l’immeuble.

La règle de majorité modifiée par la loi ALUR dans le cadre du vote des travaux de surélévation :

La loi ALUR, en faveur du vote pour la réalisation de travaux de surélévation d’un immeuble, a supprimé la règle de vote à l’unanimité. L’opération de surélévation de l’immeuble doit désormais être décidée par l’assemblée générale des copropriétaires par un vote à la double majorité de l’article 26, c’est-à-dire aux deux tiers des voix des copropriétaires. L’article 35 de la loi du 10 juillet 1965 précise : « La surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée par les soins du syndicat que si la décision en est prise à la majorité prévue à l’article 26. »

La cession du droit de surélever avec la loi ALUR :

L’article 35 de la loi du 10 juillet 1965, dispose que la cession du droit à surélever l’immeuble est décidée à la même majorité que le droit de surélever lui-même : « La décision d’aliéner aux mêmes fins le droit de surélever un bâtiment existant exige la majorité prévue à l’article 26 et, si l’immeuble comprend plusieurs bâtiments, la confirmation par une assemblée spéciale des copropriétaires des lots composant le bâtiment à surélever, statuant à la majorité indiquée ci-dessus ». Cet article 35 précise donc que le copropriétaire qui voudrait réaliser une opération de surélévation doit avant tout acheter ce droit au du syndicat des copropriétaires en principe, à moins que par exception il en bénéficie déjà dans son acte de propriété, évoqué par l’article 3 de la loi de 1965 qui apporte une précision « dans le silence ou la contradiction des titres ».Néanmoins, il apporte une atténuation en disposant la décision peut être prise à la majorité de tous les copropriétaires dans le cas où l’immeuble est situé « dans un périmètre sur lequel est institué un droit de préemption urbain en application de l’article L. 211-1 du code de l’urbanisme ».

Les nouvelles questions sur le droit des copropriétaires dans le cadre de travaux de surélévation soulevées par la loi ALUR

La question de la vente issue de la surélévation soulevée par la loi ALUR :

Grâce à la loi ALUR, les copropriétaires du dernier étage disposent d’un droit de priorité lors de la vente des logements créés par l’opération de surélévation. Préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs lots, le syndic notifie à chaque copropriétaire de l’étage supérieur du bâtiment surélevé l’intention du syndicat de vendre, en indiquant le prix et les conditions de la vente. Cette notification vaut offre de vente pendant une durée de deux mois à compter de sa notification.

La question de la priorité du droit à surélever :

Cette priorité s’applique également à la cession du droit à surélever : « Les copropriétaires de l’étage supérieur du bâtiment à surélever bénéficient du même droit de priorité à l’occasion de la cession par le syndicat de son droit de surélévation. Ce droit de priorité s’exerce dans les mêmes conditions que celles prévues au quatrième alinéa. »

La question des délais encadrant la surélévation :

La réalisation de la surélévation peut prendre un certain temps. Il faut compter environ 12 mois pour étudier sa faisabilité technique et juridique et environ autant pour l’exécution des travaux. Certains éléments peuvent entraîner des délais encore plus longs : modification de règlement de copropriété, examen de la mitoyenneté, étude du marché immobilier pour s’assurer de l’intérêt de l’opération etc.

Les questions techniques

Un risque spécifique : la nécessité d’un diagnostic global

Les travaux sur des ouvrages existants ont la particularité d’ajouter au risque propre des ouvrages neufs, celui lié à la réaction des ouvrages existants à ces derniers. Aux réserves habituelles de conception et d’exécution de la partie neuve, s’ajoute celle de la nécessité d’un diagnostic de l’existant, permettant de vérifier la compatibilité des ouvrages projetés avec ce dernier.

Ce diagnostic doit non seulement porter sur l’angle de l’objet du projet mais impérativement sur l’ensemble des aspects du bâtiment d’origine. En prenant l’exemple de la rénovation thermique d’un immeuble ancien, on sait qu’il n’est pas uniquement question d’envisager le diagnostic préalable que sous l’angle de la performance énergétique du bâtiment. Le moindre ajout d’un capteur solaire sur un toit, ou d’un groupe de ventilation dans un comble, sera susceptible de perturber l’équilibre du bâti existant. Les us et coutumes en la matière, confirment en effet que tous les composants d’un édifice interagissent entre eux, et que l’insuffisance, voire l’absence de ce diagnostic global est toujours à l’origine de l’essentiel des pathologies structurelles/de raccordement constatées sur ce type de programme de « rajout » sur l’existant (surélévation, extension, transformation, etc.). Quatre critères principaux de risque sont à prendre en considération pour mener à bien une opération de surélévation :

  • L’aspect structurel : il estétroitement lié à la façon dont la nouvelle ossature interfère avec l’existante. Il faudra toujours prendre en considération le principe de la « descente de charges » : c’est le fait que les différentes charges d’un bâtiment se cumulent, du haut vers le bas, pour atteindre leur maximum à la liaison du bâtiment avec le sol support. Il est de ce fait indispensable de vérifier l’aptitude de la partie existante de la structure, tout comme du sol support, à supporter les charges apportées par la partie neuve. Cette vérification permettra la prise en compte du confortement de l’ossature et de l’approfondissement des fondations.
  •  L’enveloppe : toute intervention sur l’enveloppe est susceptible de perturber les échanges hygrothermiques entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment, et en particulier les migrations naturelles de vapeur d’eau. C’est alors le risque d’apparition de sinistres tels que le développement des moisissures dans les logements, le cloquage des revêtements, la condensation voire la dégradation des matériaux constitutifs de la paroi.
  •  Équipements techniques : leur raccordement devra être compatible avec les contraintes de l’existant : passage de gaines, canalisations, emplacement des équipements (ventilation, chaudière, etc.), dans le cas fréquent d’une extension des réseaux existants comme de la « greffe » de réseaux neufs théoriquement indépendants.
  • Exigences fonctionnelles et réglementaires : la modification de l’ouvrage devra évidemment se faire dans le respect des réglementations environnementales, de sécurité incendie et sismique en vigueur.

La surélévation, plus que dans tout autre cas de travaux, impacte le fait que les parties d’ouvrage existantes et neuves sont totalement incorporées et techniquement indivisibles. Un diagnostic global est indispensable à la prise en compte des exigences multiples d’une opération de surélévation. Le maître d’œuvre devra d’une part s’entourer, dès l’esquisse du projet de tous les prestataires spécialisés indispensables (géotechnicien, BET structure, thermicien, etc.), et d’autre part assister le maître d’ouvrage dans le choix des entreprises exécutantes dans ce domaine d’activité exigeant. La surélévation d’un ouvrage existant demande une vigilance accrue en vue d’une prise en compte en amont des problèmes techniques, et d’une réduction des aléas du chantier.

Copropriétaires sont-ils favorisés par les conséquences techniques ?

Il est toujours intéressant de mesurer le ressenti des premiers concernés par les travaux en copropriété, c’est-à-dire, les copropriétaires. Il apparaît rapidement que le problème des travaux dans les copropriétés n’est pas forcément lié à une difficulté technique de mise en œuvre ou de recherche de solutions, mais cet aspect peut tout de même faire office d’un problème de psychologie et de sensibilité des habitants.

L’objectif affiché pour la surélévation est la lutte contre l’étalement urbain. La logique suivie est fort simple : les travaux de rénovation énergétique pourront être financés par la vente à des promoteurs du droit de surélever l’immeuble. C’est donc un cercle vertueux qui se met en place dans lequel les copropriétaires, les promoteurs, le législateur et l’environnement sont gagnants. En revanche, il faut noter que les copropriétaires peuvent être très réservés sur l’efficacité réelle de ces mesures, et ce, pour des raisons techniques notamment.

En effet, rajouter plusieurs niveaux à un immeuble existant n’est pas chose aisée, quand bien même les techniques ou les matériaux utilisés sont plus légers et plus performants. Raccorder de nouveaux logements sur un immeuble implique comme vu précédemment une refonte des flux, des circuits d’adduction et d’évacuation, des dessertes, en gros, tout un ensemble de contraintes qu’il faudra lever. Les interactions en termes de transmission des bruits ou de comportement des matériaux formant le support de la surélévation pourront donc nécessiter des études assez fines et donc coûteuses.

Cependant, il faut noter que la surélévation va apporter une valeur patrimoniale supplémentaire. Elle va permettre de faire évoluer l’esthétique du bâtiment en redynamisant une façade ancienne. De plus, suivant la technologie employée, les écarts de surface qu’il est possible de gagner peuvent aller jusqu’à l’équivalent d’une salle de bain. Certaines entreprises proposent également des possibilités de porte-à-faux de 4 ou 5 m par rapport au bâtiment support de la rehausse. Si la conception est bien faite, l’isolation phonique entre le volume ajouté et les premiers étages peut être grandement améliorée. Aucune nuisance sonore n’est ajoutée à l’existant. Les entreprises peuvent prévoir des espaces de rangement au pied des rampants, intégrés à la construction. En termes de rénovation énergétique, la surélévation peut être l’occasion de moderniser le système de chauffage et d’isolation, de refaire à neuf la couverture, le ravalement du bâtiment, ainsi que l’intégration en toiture de sources de production d’énergie renouvelable. Enfin, les volumes créés sont en adéquation avec les nouvelles façons de vivre et d’habiter.

Le cadre fiscal

Dans un cadre fiscal, la cession du droit à construire pour réaliser une opération de surélévation permet à la copropriété et/ou aux copropriétaires :

Un gain financier significatif

En effet, elle permet au syndicat des copropriétaires de monétiser leur droit à construire. Pour exemple : A Paris, la valeur du droit à construire oscille entre 1000 et 2000 €/m².

La valeur du droit cédé est fixée en fonction du mètre carré, de l’état du bâtiment et des travaux de structure nécessaires. Après les travaux de surélévation, une plus-value immédiate va être généré et sera à répartir entre les copropriétaires.

Exonération fiscale de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021

Le syndicat des copropriétaires bénéficie d’une exonération d’imposition lors de la cession du droit à construire. À condition, que le cessionnaire s’engage à réaliser et achever des locaux destinés exclusivement à l’habitation. Il n’y a donc pas de taxe appliquée sur la plus-value réalisée. À titre individuel, le copropriétaire n’est pas imposé sur le revenu lorsque le produit de la cession du droit à construire est reversé aux copropriétaires. Il faut noter que le copropriétaire devra tout de même, intégrer la part de cette vente perçue dans sa déclaration individuelle.

Aides fiscales et financement des travaux

Dans le cadre de travaux de surélévation, il n’y a pas vraiment d’aides destinées à financer spécifiquement les projets de surélévation. Cependant, le syndicat des copropriétaires ou un copropriétaire à titre individuel peut bénéficier d’aides si dans les travaux de surélévation, il est prévu des travaux énergétiques. Pour exemple :

  • Mode de financement pour le syndicat des copropriétés et les copropriétaires = éco-prêt à taux zéro, exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), Tiers-financement, aides des collectivités locales, fonds de travaux, aides de l’ANAH et Prêt conventionné.
  • Mode de Financements individuels pour les copropriétaires uniquement : crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), MaPrimeRénov’, l’aide à la rénovation énergétique d’Action Logement, crédit aides aux personnes, prêts (CAF, Livret de développement durable et solidaire, Action Logement, etc.).

Et dans le cadre du logement social ?

Nous avons pu aller à la rencontre d’un acteur de la maîtrise d’ouvrage du bailleur social Paris Habitat afin de s’intéresser à un autre point de vue que celui de la copropriété.

Pourquoi surélever ?

Les politiques urbaines telles que celles de la ville de Paris nécessitent d’agrandir l’offre de logements sociaux au vu du nombre de demandes en hausse constante. S’agrandir par le haut, et empiler des étages sur des étages, a permis de créer des mètres carrés supplémentaires précieux aujourd’hui dans la ville de Paris. La législation, notamment la loi ALUR de 2014, a encouragé les bailleurs dans ce sens. « La hausse du coût du foncier nous pousse à être créatifs pour mieux utiliser leur potentiel résiduel. Les toitures représentent une forme particulière de foncier, mais présentent l’avantage d’être gratuites car nous en sommes déjà propriétaires car les terrains disponibles à la vente sont devenus rares ou trop chers », d’après M. T.

Quelles vont être les difficultés à ce type d’opérations ?

Intéressante pour les bailleurs, la surélévation ne peut être envisagée qu’au cas par cas ! Tout d’abord, au niveau de l’urbanisme, les réserves de mètres carrés à développer ne sont pas infinies à Paris et sa petite couronne.Par ailleurs, la prise en compte de l’environnement se fond avec celle de la faisabilité : « Considérés comme de nouvelles constructions, les volumes réalisés en surélévation doivent répondre aux normes du neuf. A Paris, cela implique notamment d’obéir aux règles en matière de rejets des eaux de pluie ou de végétalisation des toits-terrasses. D’un point de vue technique, il peut être question d’incapacitéstructurelle. Pour des raisons de rapidité de montage, de nuisance moindre et de légèreté, les surélévations sont réalisées en métal ou, très souvent, en bois. » Les difficultés ne relèvent pas seulement des caractéristiques physiques : « À ces contraintes s’ajoute le facteur social puisque beaucoup de chantiers se déroulent en milieu occupé. Contrairement à des copropriétaires qui comptent sur la création de valeur de leur bien, les locataires HLM n’ont a priori rien à gagner, hormis des nuisances (…). Nous avons donc compris qu’il était plus judicieux de mener des opérations globales de surélévation-réhabilitation, pour garantir le confort de tous et maintenir une satisfaction de nos locataires actuels. Par exemple, sur un de nos projets en étude, tous les logements gagneront un balcon lors de la surélévation. »

Quels sont les avantages de la surélévation ?

Pour M. T, les bénéfices de ce type d’opération sont nombreux : « Le gain de mètres carrés, la valorisation des biens, la baisse des charges à long terme, la densification des villes : créer des logements sans prendre possession des surfaces libres permettra de réutiliser celles-ci pour créer des espaces verts ou bien des équipements publics. » Cette nouvelle façon de construire est aussi l’occasion de participer à l’innovation dans le cadre du développement de patrimoine immobilier : « Réfléchir à de nouvelles manières de construire en utilisant des matériaux plus écologiques et moins énergivores (…). »

Conclusion

Finalement, les surfaces nécessaires au logement ne doivent pas seulement correspondre à l’emprise des bâtiments, mais également aux surfaces verticales disponibles dans la limite de la cohérence urbanistique des villes. Ces surfaces, dont les quantités se déclinent en fonction du niveau de vie exigé ou alloué ainsi que des technologies mises à contribution, équivalent à des centaines de fois le périmètre occupé par le milieu bâti.

Malgré les limites et les avantages des travaux de surélévation, ceux-ci représentent tout de même un véritable gain financier pour la copropriété. Ils permettent également de faire face en parallèle à la transition environnementale et de lutter contre la densification des villes urbaines.

Il ne s’agit pas uniquement d’un enjeu écologique majeur, mais aussi d’un défi économique et politique immense : produire un certain niveau de richesse, à distribuer de manière continue et relativement équitable, dans un environnement politique stable, afin de permettre à chacun un habitat et une qualité de vie répondant à ses aspirations. L’urbanisation diffuse se dresse comme un défi de taille à la réalisation du développement durable, plus précisément de l’urbanisme durable, qui peut être vu comme l’une de ses composantes.

Enfin, nous devons attirer l’attention sur les aléas juridiques liés aux questions de droit de la surélévation susceptibles de générer des conflits entre les différents acteurs intervenant lors d’une opération de surélévation. Nous devons étudier le règlement des litiges qui surgissent entre les copropriétaires, et entre ces derniers et le syndic de copropriété, par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a pour premier rôle, l’uniformisation du droit de la surélévation sur tout le territoire français pour mieux maîtriser ces aléas.

Bibliographie

Articles de revues :

  • Mignery, D. (2020). Développer la surélévation. Constructif 2020/3, N° 57, 38-42.

https://www.cairn.info/revue-constructif-2020-3-page-38.htm

  • Betaille, J. (2014). La surélévation de l’immeuble existant en droit de l’urbanisme : à propos du retour de l’urbanisme dérogatoire. Droit et Ville 2014/1, N° 77, 197 – 205. https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2014-1-page-197.htm
  • Brachet, D. (2016). Les travaux en copropriété. Droit et Ville 2016/1, N° 81, 85 – 104. https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2016-1-page-85.htm
  • Schellenberger, T. (2014). Encadrer la densité et la consommation foncière dans les SCOT et les PLU. Réflexions sur le rôle et la place des normes en droit de l’urbanisme. Droit et Ville 2014/2, N° 78, 75 – 95.https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2014-2-page-75.htm
  • Dalbin, J-F. (2014). Modification des actes de la copropriété et autres conventions. Droit et Ville 2014/1, N° 77, 267 – 276. https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2014-1-page-267.htm
  • Violeau, J-L. (2014). Évaluer l’architecture. Multitudes 2014/3, N° 57, 156 – 166.https://www.cairn.info/revue-multitudes-2014-3-page-156.htm
  • Brieu, R. (2014). La fiscalité de l’opération de surélévation d’un immeuble en copropriété : plus-value, TVA immobilière et droits d’enregistrement. Droit et Ville 2014/1, N° 77, 261 – 266. https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2014-1-page-261.htm
  • Zalewski-Sicard, V. (2014). Les contrats de construction adaptés à l’opération de surélévation. Droit et Ville 2014/1, N° 77, 245 – 260. https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2014-1-page-245.htm
  • D’Esparbes, J-L. (2015). Travaux de surélévation de l’immeuble en copropriété : quels risques ? Droit et Ville 2014/1, N° 77, 229 – 232.https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2014-1-page-229.htm
  • Poumarede, M. (2015). Favoriser la surélévation : l’avènement d’un droit de la construction dérogatoire. Droit et Ville 2014/1, N° 77, 207 – 215.https://www.cairn.info/revue-droit-et-ville-2014-1-page-207.htm
  • Touati, A. (2015). La densification des banlieues pavillonnaires à Paris et à Toronto au service de stratégies municipales de centralité différenciées. Géographie, économie, société 2015/3, N°17, 339 – 363.https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2015-3-page-339.htm

Textes juridiques :

  • Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (J.O 10 juillet 1965).
  • La loi nᵒ 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ou ALUR (J.O 26 mars 2014).
  • Article L. 211-1 du code de l’urbanisme.
  • Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 (J.O 30 décembre 2020).

Sites :

  • Bulletin Officiel des Finances Publiques (s.d). https://bofip.impots.gouv.fr/

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