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Espace transfrontalier Franco-Luxembourgeois et immobilier résidentiel : un marché en très forte tension

FREISTROFFER Loïc

LOECSHER Benjamin

LECLAIRE Martin

LETT Arthur

Etudiants en M2 Management et Développement de Patrimoine Immobilier

IAE de METZ – School of Management

En partenariat avec la CCI 57 et l’ESI 94

Espace transfrontalier Franco-Luxembourgeois et immobilier résidentiel : un marché en très forte tension.

Introduction

Selon l’observatoire interrégional du marché de l’emploi (OIE), 3090 luxembourgeois étaient domiciliés en France en 2019, contre 1890 en 2017. Si cette donnée peut paraître bénigne, sortie de son contexte, elle traduit une réalité complexe sur le terrain : la demande augmente, aussi bien en volume qu’en valeur. Ces nouveaux résidents luxembourgeois, plus fortunés que les résidents français accaparent une offre en biens qui s’est nivelée par le haut, du fait de leur fort pouvoir d’achat. Quelles sont les conséquences de cette mutation du marché local pour les agents immobiliers ?

Le Pays des Trois-Frontières est un secteur géographique transfrontalier permettant un accès rapide depuis la France vers la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne. De part cette facilité à effectuer des déplacements internationaux, cette zone géographique est sujette à d’importants mouvements de populations, principalement pour des raisons professionnelles. Pour traiter de ces enjeux, nous aborderons successivement la question des mouvements de population en secteur transfrontalier, puis l’émergence des agences digitales venues opportunément proposer leurs services, et enfin, l’explosion du marché de l’immobilier avec la concurrence des agences luxembourgeoises, et la hausse des prix qu’elle induit, sur un marché de plus en plus tendu.

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Source Image : direct -infos.com

Les mouvements de population en secteur transfrontalier

Ces mouvements de populations entrainent un dynamisme important du marché de l’immobilier local. Par voie de conséquence, de nombreux professionnels de l’immobilier, novices ou expérimentés, se sont implantés sur ce secteur afin de tirer profit de ces opportunités que constituent les mobilités résidentielles sur le secteur transfrontalier. Avec 75 200 travailleurs en 2015, le Luxembourg est la première destination des frontaliers de la région Grand Est comme l’illustre la carte ci-dessous :

Une image contenant carte

Description générée automatiquement

L’évolution du nombre de travailleurs frontaliers croît rapidement : au deuxième trimestre 2018, la masse des travailleurs frontaliers en provenance de France vers le Luxembourg passait la barre des 100 000 individus, soit une augmentation de près de 33% de cette même masse en 3 ans.

En plus de cette augmentation en termes de masse de travailleurs, on voit également se dessiner une tendance vis-à-vis des profils des travailleurs attirés par le Luxembourg : « Depuis 1999, la part des diplômés d’études supérieures parmi les frontaliers vers la Suisse et le Luxembourg a augmenté fortement (respectivement + 21 et + 22 points, contre + 13 points pour les non-frontaliers), en lien avec la hausse des emplois qualifiés dans le secteur tertiaire »[1].

Ce phénomène d’accélération rapide du nombre de travailleurs frontaliers qualifiés entraine un déséquilibre du marché immobilier local, côté français, qui voit la demande exploser face à une offre contrainte par les faibles réserves foncières.

Les prix du marché locatif et de transaction augmentent ainsi fortement au grès de ces mouvements démographiques. Dans ce contexte, les agences 100% digitales semblent y trouver leur compte.

Les agences 100% digitales, une nouvelle concurrence face aux agences classiques

De plus en plus d’agences franchissent le pas, en devenant « 100 % en ligne ». Une agence « digitale » proposera les mêmes conditions qu’une agence dite « classique », mais sans le contact physique entre le client et l’agent immobilier. Si le concept séduit fortement en cette période de crise sanitaire, qu’en était-il avant ? Et qu’apportent-elles réellement face aux autres agences ?

Les agences 100% en ligne
AvantagesInconvénients
visibilité des dossiers pour le client : l’acheteur ou le propriétaire peuvent voir leur dossier directement sur la plateforme en ligne ;prix attractif : que ce soit en vente ou location, les tarifications sont bien souvent plus faibles que pour une agence de quartier.visite virtuelle du bien : même si de plus en plus utilisée par les agences classiques, la visite virtuelle ne peut remplacer une visite réelle et ce pour de nombreux acheteurs ;image dégradée des services en ligne : bien souvent un service en ligne est perçu par de nombreux particuliers, comme dangereux ou à éviter (banques ou assurances en ligne).

Une hausse du nombre de concurrents sur un secteur enclin au dynamisme n’est pas chose rare, et ce schéma se répercute sur de nombreux secteurs en France métropolitaine. Cependant, le Pays des Trois-Frontières a vu s’implanter une concurrence à la fois française, mais également étrangère.

Au niveau local, les agences immobilières françaises constatent une force hausse du nombre de transactions réalisées par des agences immobilières domiciliées au Luxembourg. Du fait de cet afflux de professionnels luxembourgeois sur le secteur, nombreux sont les professionnels domiciliés en France, à avancer l’argument selon lequel, il existerait une concurrence déloyale des agences étrangères, en particulier celles du Luxembourg, qui affichent des montants d’honoraires bien inférieurs à ceux pratiqués par les agences immobilières locales.

Pour comprendre cette différence d’honoraires entres les deux pays, et cerner l’attrait du Pays des Trois-Frontières pour nos voisins luxembourgeois, il est important de revenir d’une part, sur les origines des montants des honoraires luxembourgeois, et d’autre part, sur les facilités juridiques autorisant les transactions immobilières sur le sol français par des agences immobilières luxembourgeoises.

L’explosion du marché immobilier frontalier et la concurrence des agences luxembourgeoises

Le marché immobilier frontalier connaît une tension énorme depuis plusieurs années. Les prix pratiqués au Luxembourg sont totalement déconnectés de la réalité du marché français transfrontalier. Par exemple, les prix les plus hauts pratiqués sur le marché transfrontalier sont de l’ordre de 4500€/m² environ, sauf très rares exceptions. Mais pour acquérir un bien à Luxembourg Ville, il faudra payer en moyenne la somme de 9 266€/m² (source : athome.lu 2020). Cette montée des prix est liée au fait que les besoins en logements sont grandissants. En effet, la population venant travailler au Luxembourg est plus nombreuse d’année en année, et les frontaliers se rabattent sur le marché français où les prix sont pour eux beaucoup plus abordables. Mais au fil du temps, le marché frontalier français subit à son tour les conséquences de ce phénomène, les prix grimpent et la demande est de plus en plus forte.

L’attractivité du marché français attire de nombreux agents immobiliers luxembourgeois, leur clientèle ne trouve guère de biens du côté luxembourgeois. Par voie de conséquence, dans l’optique de trouver un bien pour leurs clients, les agents immobiliers viennent travailler à la frontière française en faisant la promotion de leur portefeuille de clients fortunés, prêts à payer un prix élevé sans trop poser de questions. Ces agences luxembourgeoises viennent alors concurrencer les professionnels de l’immobilier français sur leur marché local. Les agents immobiliers luxembourgeois ne sont pas en phase avec la réalité des prix du marché français, ils surévaluent donc souvent les biens, ce qui crée un déséquilibre du marché où les particuliers se retrouvent face à des prix de vente jusqu’alors jamais imaginés, faisant monter petit à petit les prix du marché.

Au Luxembourg, les professions immobilières sont encadrées par le règlement grand-ducal en date du 20 janvier 1972. Ce règlement dans ses écrits initiaux, indique un plafonnement du montant des honoraires devant être pratiqués par les professionnels de l’immobilier domicilié au Luxembourg. Dans son article 1er, ledit règlement indique qu’une commission versée à un professionnel de l’immobilier ne peut pas excéder 372€ pour la vente d’un immeuble dont le prix n’excède pas 12 500 €/m². Pour les biens immobiliers dont la valeur est supérieure à ce seuil, le montant de la commission est plafonné à un montant de 3% du prix de vente. Il est important de préciser que cette modalité de fixation du montant de la commission par le règlement grand-ducal, a été abrogée en 2004. Pour autant, même si cette modalité n’est plus en vigueur au Luxembourg, elle reste néanmoins encore pratiquée par de nombreuses agences luxembourgeoises intervenant sur le marché français.

En France, les professions immobilières sont encadrées par la Loi HOGUET depuis 1970. Dans son article 8-1, modifié par l’ordonnance du 22 décembre 2016, il est indiqué que tout professionnel de l’immobilier membre d’un Etat de l’Union Européenne a l’autorisation de réaliser des transactions immobilières sur le territoire Français sous réserve de respecter deux conditions :

  • La première : l’entreprise étrangère voulant réaliser des transactions immobilières doit avoir fait « la déclaration préalable auprès du président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou de la chambre départementale d’Île-de-France, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».
  • La seconde : l’exercice de ces activités doit être « temporaire et occasionnelle » sur le territoire français, de sorte que les transactions réalisées ne deviennent pas une activité indispensable pour l’entreprise.

Bien que la loi HOGUET prenne en compte la faisabilité de commercer au-delà des frontières, elle ne précise cependant pas quelles sont les modalités de contrôle de ces transactions étrangères sur le territoire français. De ce fait, la notion d’activité « temporaire et occasionnelle » n’est en aucun cas contrôlable.

Hausse des prix et difficulté de logement, la réalité d’un marché tendu

La concurrence frontalière entre les agences françaises et luxembourgeoises n’est pas négligeable, chaque année les prix du marché frontalier français grimpent un peu plus. Cette hausse des prix contraint les français travaillant à la frontière du côté français et ayant des revenus de l’ordre des revenus moyens perçus en région, à devoir s’éloigner de la frontière car ils ne peuvent plus acquérir de biens, les prix de vente sont devenus trop élevés. Cette conséquence est la même sur le tarif des locations immobilières qui, elles aussi, chaque année augmentent sous la demande.

Afin de contrer les agences luxembourgeoises, certaines agences françaises se mettent à proposer des honoraires réduits (plafonnés à quelques milliers d’euros), c’est une stratégie de prix qui se répand de plus en plus dans l’immobilier. Il y a même aujourd’hui des spots tv faisant la promotion de cette pratique. Les défenseurs des honoraires plafonnés sont très peu nombreux face à tous les professionnels reniant cette pratique contraire à ce qui a toujours été fait. La concurrence frontalière n’est pas prête de s’arrêter, même si, lois du marché obligent, les professionnels de l’immobilier restent avant tout, des confrères exerçant le même métier avec passion.

Bibliographie


[1] INSEE.fr

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