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« Dérèglements économiques : l’impératif de solidarité professionnelle. « Henry Buzy-Cazaux.

Il est temps de regarder le marché en face…

Même si les discours des ténors de la transaction n’en rendent pas encore vraiment compte, la situation des reventes de logements en France va mal. On a d’ailleurs le sentiment d’un hiatus entre ce que ressentent les agents immobiliers ou les agents commerciaux sur le terrain et les propos au sommet de la profession. Les raisons de ce décrochage s’expliquent de plusieurs façons.

Bien sûr, la chronologie des transactions : sont enregistrées les ventes qui ont été initiées entre neuf et six mois plus tôt, alors que les effets de l’inflation n’étaient pas encore aussi rudes, notamment sur la réduction de l’accès au crédit. C’est vrai pour les actes définitifs, constatés par les notaires, c’est même vrai pour les avant-contrats constatés par les fédérations ou les réseaux de transaction.

Et puis, il faut bien se le dire : la communauté professionnelle a bien du mal à s’avouer les difficultés. D’abord parce qu’on s’habitue au bonheur, et que depuis quinze ans, la transaction résidentielle en France connaissait une grande santé. Les dernières années ont même battu des records de vigueur avec des nombres de transactions historiquement élevés.

On a fini par en oublier les ressorts, certes les besoins exprimés par les Français, mais aussi la facilitation par les taux d’intérêt bas et une politique de distribution des prêts généreuse. Il s’ajoute à cette difficulté à changer de paradigme une autre réalité : celle que la quasi totalité des acteurs n’a jamais connu l’inflation et son cortège de conséquences… Ils en restent à l’idée que l’inflation est bonne pour l’immobilier, ce qui est vrai sous deux conditions qui ne sont remplies ni l’une ni l’autre. D’une part, la hausse des revenus du travail des ménages, loin d’être acquise dans les entreprises, et d’autre part, celle corollaire des loyers, plafonnés par le législateur.

En somme, les négociateurs sont bercés par l’espoir que l’inflation pourrait même booster les transactions.

Enfin, le sentiment prévaut en haut de la représentation professionnelle de la transaction que le discours est performatif, comme on dit en sémiologie. Pour le dire de manière moins savante : à révéler les difficultés du marché, on s’exposerait au risque d’accélérer sa dégradation. À l’heure d’Internet et de la circulation effrénée de l’information, la crainte semble illusoire.

 

« La quasi totalité des acteurs n’a jamais connu l’inflation
et son cortège de conséquences… »

… et d’exprimer notre unité

Au-delà de l’analyse des distorsions entre la réalité et les récits qui en sont faits, ce sont les conséquences du durcissement du marché qu’il faut mesurer. On peut redouter dans ces moments un délitement des relations confraternelles, et une radicalisation des positions.

Typiquement, le clivage politique encore vif entre deux grandes catégories d’acteurs de la transaction, les réseaux d’agents commerciaux et les agences immobilières traditionnelles avec vitrine, pourrait s’exaspérer.

On entend déjà par exemple, le marché se réduisant, les seconds se plaindre que les premiers se développent à leur détriment, en s’affranchissant notamment de l’esprit de la loi Hoguet, qui a voulu que les porteurs de cartes professionnelles exercent dans une zone de chalandise maîtrisée. Les demandes de territorialisation des cartes ressurgissent.

Pourtant, c’est le moment où jamais pour la profession d’avancer solidaire et de jouer groupée, à son profit et au profit des ménages vendeurs et acquéreurs désemparés qui ont plus que jamais besoin de l’expertise et des conseils avisés de tiers de confiance.

 

« L’ère des égoïsmes et des exclusions est révolue. »

Le partage des mandats exclusifs doit s’imposer

Comment doit s’exprimer cette unité professionnelle ? De plusieurs manières. D’abord par l’effort de diagnostic commun pour éclairer la décision publique.

Comment attendre du Gouvernement et du Parlement des mesures de soutien — remise en question du taux d’usure, aides, fiscalité — si les messages sont discordants sur la situation du marché et sur les solutions souhaitables ? Encore faudrait-il que les gouvernants se décident à écouter les alertes lancées par les professionnels du logement. Ensuite, par le spectacle de la responsabilité collective : oui, il est plus que jamais opportun que la formation à l’entrée se généralise, par la simple application de la loi ALUR (dont le décret sur l’aptitude des collaborateurs n’est toujours pas pris). Enfin, le recours au mandat exclusif et son partage entre tous les négociateurs doit s’imposer.

L’ère des égoïsmes et des exclusions est révolue.

Néanmoins, un cinquième de la profession seulement travaille dans cette logique… Le chemin semble long, mais la catalyse des problèmes économiques peut faire qu’on le parcoure rapidement.

Si la profession de transactionnaire prouve ainsi sa responsabilité et sa maturité collective, elle gagnera contre les vents contraires et transfigurera son image.

 

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