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Faute de l’acquéreur et indemnisation de l’agent immobilier

La cour d’appel de Montpellier le 4 avril 2024, a indemnisé une agence immobilière à concurrence de 350 000 € en l’absence de signature de l’acte définitif. Cet arrêt est intéressant à double titre en ce qu’il permet de rappeler que la promesse synallagmatique est plus protectrice des honoraires de l’agence que la promesse unilatérale et que la preuve de la faute de l’acquéreur même en l’absence de la signature de l’acte peut permettre l’indemnisation de l’agence.

Le pitch

Le 21 décembre 2017, une promesse unilatérale de vente de parts sociales d’un domaine viticole est signée moyennant le prix de 9 700 000 € ; l’option d’achat doit être levée avant le 30 décembre 2017 minuit, les conditions suspensives avant le 15 mars 2018 et la signature de l’acte définitif est prévue au 20 mars 2018. L’acte est sans condition suspensive de financement et une indemnité d’immobilisation doit être versée dans les dix jours de la promesse.

L’affaire devait être rapidement conclue cependant l’acte de cession ne fut jamais signé du fait d’une mésentente entre les parties. Par courrier du 20 juillet 2018, le bénéficiaire se prévaut de la caducité de la promesse en l’absence de financement bancaire et demande la restitution de l’indemnité d’immobilisation. C’est dans ce contexte que l’agence assigne en indemnisation de ses honoraires s’élevant à 360 000 €.

L’indemnisation de l’agence est contestée par l’acquéreur en considération de deux arguments : la nullité de la promesse et le droit à honoraires.

L’absence de nullité de la promesse

En préambule, rappelons la différence entre une promesse unilatérale et une promesse synallagmatique.

La promesse unilatérale de vente est un acte dans lequel seul le vendeur s’engage à vendre. Le bénéficiaire par sa signature ne s’engage pas à acheter mais a la faculté d’acheter ou non, en levant une option.

Dans la promesse synallagmatique, les deux parties s’engagent : l’une à acheter et l’autre à vendre. La promesse synallagmatique est également appelée compromis.

Or, la loi Hoguet prévoit que lorsque l’engagement des parties contient une clause de dédit ou une condition suspensive l’opération ne peut être regardée comme effectivement conclue.

Ainsi en cas de promesse unilatérale, pour que l’agence ait droit à des honoraires, le bénéficiaire doit lever à la fois l’option d’achat (c’est-à-dire manifester sa volonté d’achat) et les conditions sus-
pensives. Si les conditions suspensives sont levées mais que le bénéficiaire n’a pas levé l’option d’achat, l’agence n’a pas droit à une rémunération. En l’espèce, il s’agissait d’une promesse unilatérale dont le bénéficiaire soutenait qu’elle était nulle faute d’avoir été enregistrée dans les 10 jours de sa signature de sorte que la demande de l’agence ne pouvait prospérer sur la base d’un acte nul.

En effet, l’article 1589-2 du code civil prévoit que pour être valables les promesses unilatérales de vente doivent être faites par acte authentique ou par acte sous seing privé enregistré dans les 10 jours de son acceptation par le bénéficiaire.

Cependant la cour a considéré que le versement de l’indemnité d’immobilisation le 28 décembre 2017 valait acceptation « de la promesse de vente qui d’unilatérale s’est transformée en synallagmatique et donc dispensée de la formalité de l’enregistrement (…) ».

La cour a considéré également que la levée de l’option d’achat résultait de l’acte positif du paiement de l’indemnité d’immobilisation et de la confirmation a postériori par le notaire du bénéficiaire de la levée de l’option. Ce premier point solutionné reste le droit à indemnisation de l’agence alors que l’acte de vente définitif n’est pas intervenu.

Sur le droit à rémunération de l’agence

Le deuxième motif pour lequel l’acquéreur refuse d’indemniser l’agence est que l’acte définitif n’a pas été signé. Or il est jugé au visa de la loi et du décret Hoguet 2 et 3 qu’aucune somme n’est due à l’agent immobilier avant que l’opération faisant l’objet de son mandat ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties et que lorsque l’engagement des parties contient une clause de dédit ou une condition suspensive, l’opération ne peut être regardée comme effectivement conclue, s’il y a dédit ou tant que la faculté de dédit subsiste ou tant que la condition suspensive n’est pas réalisée.

L’agence soutenait que le réel motif d’impossibilité était le financement (qui n’était pas une condition suspensive) ainsi que cela avait été reconnu dans un mail de l’acquéreur et que toutes les conditions suspensives étaient réalisées. L’acquéreur quant à lui contestait la réalisation de la condition suspensive d’audit.

La cour juge que les conditions suspensives sont réalisées, que la vente est parfaite, que la condition de dédit est expirée et qu’en présence d’une promesse synallagmatique de vente constituant un accord définitif sur la chose et sur le prix. L’intermédiaire de vente ne peut être privé de son droit à rémunération ou à indemnisation lorsque l’agent immobilier prouve la faute de l’acquéreur l’ayant privé de la réalisation de la vente.

Puis elle juge que la non-réalisation de l’opération résulte du comportement fautif de l’acquéreur qui s’était engagé sans recours à un prêt bancaire et le condamne à indemniser l’agence pour perte de chance de percevoir la rémunération prévue de 350 000 €.

Le plus souvent la difficulté pour les agences est de rapporter la preuve de la faute de l’acquéreur qui, ici, a été reconnue.

      Focus

En présence d’une promesse synallagmatique de vente constituant un accord définitif sur la
chose et sur le prix, l’intermédiaire de vente ne peut être privé de son droit à indemnisation lorsque l’agent immobilier prouve la faute de l’acquéreur l’ayant privé de la réalisation de la vente.

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